Quel état du monde en 2050 ?

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Quel état du monde en 2050 ?

Point par point, une évaluation de la situation de la planète et de ses habitants d’ici à 2050. Des raisons de ne pas sombrer dans le pessimisme… Par Bjorn Lomborg, directeur, Copenhaguen Consensus Center.

Vivrons-nous mieux en 2050 que nos prédécesseurs en 1900 ? Le débat sur l’évolution du monde, que ce soit en bien ou en pire, n’est pas nouveau. Ce sujet a été longuement débattu par les scientifiques et les philosophes depuis plusieurs siècles. De Malthus à The Limits to Growth, les pessimistes n’ont cessé d’argumenter sur la théorie d’un futur miné par la surpopulation, la famine et l’épuisement des ressources en réponse aux propos rassurants des optimistes. Les points de vue pessimistes ont beaucoup influencé les débats sur les politiques environnementales.

Un tableau sur 150 ans

Mais au lieu de se baser sur une approche parfois trop parcellaire, nous devons chercher une nouvelle manière de comparer les problématiques mondiales. C’est ce que j’ai essayé de faire avec 21 économistes figurant parmi les plus éminents du monde, en développant un tableau de bord couvrant 150 années. L’idée était de mesurer les impacts des 10 problématiques les importantes du monde – incluant la santé, l’éducation, la pollution atmosphérique et le changement climatique – sur une échelle de comparaison, sans mettre en avant tel point de vue ou tel autre.

Le coût de chaque problématique

En s’appuyant sur des évaluations économiques classiques telles que les pertes de vies humaines ou les maladies, et en tenant compte de différents facteurs tels que les pertes de revenus, l’analphabétisme, la perte de biotopes et les dégâts causés par l’augmentation des fortes tempêtes due au réchauffement climatique, les économistes sont parvenus à déterminer le coût annuel de chaque problématique de 1900 à 2013 ainsi que les prévisions pour 2050. Ils ont comparé chaque problème aux ressources disponibles pour le résoudre afin d’évaluer sa taille, ce qui donne au final une estimation de sa taille exprimée en pourcentage sur le produit intérieur brut (PIB).

La situation va globalement s’améliorer

Prenons en exemple l’éducation. En 1900, le taux d’analphabétisme s’élevait 70% de la population mondiale. Quelle est la taille de ce problème ? Les estimations économiques montrent que si tout le monde avait été instruit en 1900, l’économie mondiale aurait bénéficié de 240 milliards de dollars de plus suivant l’inflation – soit environ 12% du PIB (appelé également PMB). On peut ainsi conclure que le coût de l’analphabétisme en 1900 s’élève à 12% du PIB.

De ces recherches, il ressort que les points de vue pessimistes et optimistes ne sont pas totalement justifiées. Les optimistes ont indiscutablement raison sur certains points – la plupart des indicateurs vont dans la bonne direction (plus le pourcentage sur le PMB est élevé, plus le problème est grave). Sans pour autant relativiser outre mesure les problèmes auxquels le monde reste confronté actuellement, et notamment dans les pays en voie de développement, on peut en conclure dans l’ensemble que nous pouvons cesser de paniquer. Dans l’ensemble, les choses vont s’améliorer.

Les défis à l’horizon 2050

Les résultats de ces études nous orientent également vers les défis les plus importants qui nous attendent pour un meilleur avenir en 2050. Il est essentiel de diriger notre attention non pas sur la base de récits accrocheurs ou du lobbying médiatique des groupes de pression, mais sur des estimations réelles de ce que nous pouvons faire de mieux.

Voici quelques extraits de nos recherches:

La pollution atmosphérique, notamment domestique

Aussi étonnant que cela puisse être, la plus grande problématique environnementale dans le monde n’est pas le changement climatique mais la pollution domestique. En effet, la pollution domestique est à l’origine de deux fois plus de décès que toutes les guerres du 20ème siècle réunies – soit 260 millions de décès, quatre fois plus que la pollution extérieure.

Les pollutions domestiques concernent en grande majorité les populations des pays en voie de développement qui utilisent du bois et du fumier pour cuire leurs aliments et se chauffer. Bien que ce type de pollution tue encore 3 millions de personnes par an à l’heure actuelle, son impact a été largement diminué du fait de l’usage de combustibles plus propres et de la réduction globale de la pauvreté. Son coût par rapport au PIB mondial est descendu de 23% en 1900 à 6% actuellement, et il descendra jusqu’à 4% en 2050. Au total, les risques ont diminués de huit fois et ils vont encore se réduire de 70% vers la moitié de ce siècle.

Les conflits armés: un impact stabilisé

Les conflits armés coûtent très cher. En moyenne, les conflits militaires du 20ème siècle ont coûté à peu près 5% du PIB par an, les deux guerres mondiales ayant respectivement engendré un coût équivalent à 20% et à 40% du PIB mondial. Aujourd’hui, ce coût est tombé à environ 1,7%. Même les prévisions les plus pessimistes ne montrent qu’une légère hausse à 1,8% vers 2050, tandis que les plus optimistes montrent une baisse supplémentaire allant jusqu’à 1,6%.

En acceptant le Prix Nobel de la Paix en 2009, le président Obama déclarait : « Nous devons tout d’abord admettre la dure vérité : nous n’allons pas éradiquer les conflits de notre vivant. » Néanmoins, l’histoire a prouvé que nous avons beaucoup progressé en transformant la lourde facture militaire du 20e siècle en ce qui semble être des dividendes permanents de la paix.

Le changement climatique: bénéfique jusqu’en 2050!

Le changement climatique est un phénomène réel et il est dû aux activités humaines. Cela étant et aussi surprenant que cela puisse être, les prévisions démontrent qu’il va engendrer un bénéfice net jusqu’en 2050.

Comment le changement climatique peut-il nous être bénéfique ? Un niveau élevé du CO2 a des effets fertilisants, ce qui amènera des impacts positifs sur l’agriculture. Estimé à 0,8% du PIB, ce phénomène constitue la majeure partie des impacts positifs du changement climatique. Par ailleurs, une élévation modérée des températures réduit également les décès dus au froid, plus qu’elle n’en induirait par les effets de la chaleur. Et elle réduit les besoins en chauffage plus qu’elle n’augmente les coûts liés à la chaleur, ce qui donne au final un coût de 0,4% en proportion du PIB.

Au total, le réchauffement climatique produira des bénéfices nets entre 1900 et 2050. Ces bénéfices ont augmenté depuis 1900, et ils continueront de s’accroître jusqu’à ce qu’ils atteignent environ 1,5% du PIB en 2025. Cette tendance va ensuite s’inverser avec l’augmentation des températures vers 2070, où le réchauffement climatique engendrera un coût net positif, justifiant la rentabilité du changement climatique actuellement et dans les décennies à venir.

Les écosystèmes et la biodiversité sont mieux préservés

Le coût annuel des pertes concernant la biodiversité s’élève à environ 1% du PIB. Cela étant, certaines régions du monde accusent un coût plus conséquent. Durant ces recherches, les économistes ont analysé les données des biomes (écosystèmes)  majeurs de la planète – incluant les toundras, les forêts tropicales, les déserts, etc. – respectivement en 1900, en 2000, et en 2050.

Ils ont évalué leur biodiversité sous plusieurs angles. Si ces écosystèmes sont généralement bénéfiques en tant que sites récréatifs, ils se sont également révélés utiles en produisant un large éventail de matières premières allant du bois aux plantes médicinales, mais aussi en stockant le carbone et en aidant ainsi à réduire le réchauffement climatique. Les estimations actuelles prédisent des bénéfices annuels d’environ 0,25% du PIB en 2050, résultant principalement de la réduction de la déforestation et d’une amélioration des pratiques agricoles.

Le coût de la non-éducation va diminuant

Nous avons étudié les coûts de l’analphabétisme afin de comparer les niveaux d’éducation sur une période de 150 ans. Si l’analphabétisme touche encore 20% de la population mondiale à l’heure actuelle, en 1900, ce taux s’élevait à 70% et son coût à 12,3% du PIB. Comparativement, la perte s’élève aujourd’hui à 7% du PIB. Selon nos estimations, en 2050 le taux d’analphabétisme sera réduit à 12% et son coût régressera à 3,8% du PIB.

L’éducation joue un rôle très important dans l’économie mondiale dans la mesure les connaissances acquises durant la scolarité mènent à une meilleure productivité et par conséquent, à des salaires plus élevés. Prenons en exemple les cas du Pakistan et de la Corée du sud, à titre de comparaison. Ces deux pays avaient le même niveau d’éducation et de salaires en 1950. Aujourd’hui, les coréens bénéficient en moyenne de 12 années d’enseignement, tandis que cette moyenne n’atteint même pas 6 années pour les Pakistanais. Depuis 1950, le salaire moyen par habitant a été multiplié par 23 en Corée, contre seulement 3 fois au Pakistan.

L’inégalité entre les sexes diminuent, mais elles vont perdurer

En 2012, l’inégalité des salaires ainsi que les exclusions subies par les femmes dans les entreprises ont coûté 7% du PIB à l’économie mondiale, la différence entre l’expansion et la récession. Sur quelles bases avons-nous obtenu ce chiffre ? Nous avons calculé le taux de contribution des femmes au PIB si elles avaient pu travailler autant que les hommes et pour le même salaire.

Actuellement, les femmes ne gagnent en moyenne que 60% du salaire moyen attribué aux hommes, voire même 40% pour la classe ouvrière – une amélioration significative si l’on réfère aux 15% des années 1900, mais qui reste encore très éloigné de la parité hommes-femmes. Les prévisions pour 2050 annoncent peu d’évolutions dans ce sens. Selon nos estimations, les femmes gagneront 30% de moins que les hommes vers la moitié de ce siècle.

Nos recherches ont par ailleurs montré que ces disparités peuvent découler en partie d’un choix personnel et pas forcément d’une discrimination. Les pertes engendrées par l’inégalité entre les sexes en 1900 se chiffrent à 17% du PIB. Elles ont certes largement diminuées de nos jours, mais elles restent encore conséquentes, à raison de 7% du PIB mondial. Les estimations les plus réalistes avancent un taux de 4% du PIB en 2050.

La santé dans le monde s’améliore

L’humanité a réalisé de grands progrès en matière de santé. En termes économiques, le coût des problèmes de santé avoisinait les 32% du PIB mondial au début du 20e siècle. Ce chiffre est descendu à 11% aujourd’hui, et il se réduira à 5% en 2050.

Cette tendance se reflète d’ailleurs sur l’accroissement global du taux de longévité. Nous sommes passés d’une espérance de vie moyenne de 32 ans en 1900 à 69 ans actuellement, et ce chiffre va passer à 76 ans en 2050. Les avancées en matière de santé sont tellement rapides que pour chaque mois que vous vivez, la science médicale ajoute une semaine de plus à votre espérance de vie.

La réduction de la mortalité infantile est à ce jour la plus grande avancée de la santé mondiale. En 1970, le taux de vaccination infantile contre la rougeole, la coqueluche et la polio n’atteignait pas plus de 5%. Ce taux est monté à 85% en 2000, avec 3 millions de vies sauvées par an. Et bien que le taux de mortalité infantile reste encore élevé en Afrique sub-saharienne, en 2008 il représentait un tiers du niveau de Liverpool en 1870, et cela bien que Liverpool était plus riche à cette époque que l’Afrique ne l’est aujourd’hui. Globalement, la mortalité infantile sera réduite de 50% d’ici 2050.

La malnutrition recule

La faim est l’un des plus anciens fléaux de l’humanité et aussi l’un des signes les plus visibles de la pauvreté dans le monde. Et une meilleure nutrition est associée à une meilleure productivité : une personne bien nourrie sera plus productive au travail, et un enfant bien nourri développera de meilleures facultés cognitives qui se traduiront par une meilleure productivité à l’âge adulte.

La bonne nouvelle, c’est que la faim dans le monde est en régression. On peut constater sur le graphique ci-dessus que le coût de la malnutrition a été réduit de moitié, de 11% du PIB en 1900 à 6% aujourd’hui, et qu’il se réduira à 5% en 2050. Nous avons mesuré cette progression à la base de l’évolution de la taille des hommes adultes. Dans les pays en voie de développement, nous avons constaté une augmentation de 4 cm en moyenne, de 164 cm à 168 cm. Une telle évolution, aussi petite soit-elle, peut amener une population d’un niveau de sous-alimentation modéré de 10% à un niveau 0. Projeté à l’échelle mondiale, cela se traduirait en 1,5 million de décès infantiles de moins.

Les bénéfique réduction des barrières commerciales

Le libre-échange  est rarement élevé au rang des priorités humanitaires, mais le fait est que les barrières commerciales ou la libéralisation affectent profondément l’économie mondiale. Nos recherches ont montré que la libéralisation a un impact considérable sur la réduction de la pauvreté. Pour exemple, la croissance liée au commerce en Chine a été le facteur-clé majeur qui a permis à 680 millions de chinois de sortir de la pauvreté pendant ces 30 dernières années.

Le libre-échange était relativement présent au début du 20e siècle – le coût global des restrictions commerciales se chiffrait à environ 3 à 4% du PIB. Ce coût est remonté à plus de 10% du PIB durant la crise économique des années 30 où l’on a vu les barrières commerciales se multiplier.

Depuis, on constate plus d’ouverture dans les pays développés, avec un coût réduit à 2% du PIB. La diminution des barrières commerciales est moins rapide dans les pays en voie de développement, avec un coût de 4% actuellement pour ces régions. Projetée dans le futur, la libéralisation pourrait réduire les pertes à 2,4% du PIB mondial.Inversement, moins d’ouverture commercial pourrait augmenter ce coût à 6%. Nos études ont aussi révélé que la moitié des pertes dues aux barrières commerciales dans les pays en voie de développement résultent de leurs propres politiques.

L’eau et l’assainissement: une amélioration trop lente

Les maladies liées au manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement sont à l’origine de 6 à 7% des décès annuels dans les pays en voie de développement. De nos jours, les interventions telles que l’installation de fontaines publiques et d’assainissement non collectif, et l’approvisionnement en filtres à eau domestiques peuvent être réalisées à un coût plus abordable, mais les mesures prises dans ce sens sont encore assez peu nombreuses.

Malgré cela, dans les pays en voie de développement, le taux de mortalité lié à ces problèmes est descendu de 1,5/1000 individus en 1950 à 0,4 aujourd’hui. Ce taux devrait baisser à 0,2/1000 en 2050. Cela étant, les chiffres restent encore élevés : environ 1,7 million de décès par an en 2050, majoritairement en Afrique sub-saharienne. Si ce chiffre représente un progrès significatif par rapport à l’actuel 2,3 millions et aux 2,7 millions en 1950 pour une population moins nombreuse, il reste encore beaucoup de chemin à faire.

Mesurer l’impact du manque d’eau et d’assainissement en termes économiques ne se rapporte pas uniquement aux maladies et aux décès. La collecte d’eau potable – qui concerne majoritairement les femmes – totalise cette année 74 milliards d’heures,ce qui représente un tiers du coût total de l’eau et de l’assainissement sur l’économie mondiale. Au final, les pertes économiques engendrées par cette problématique sont descendues de 2% du PIB en 1950 à 0,13% en 2013 dans les pays en voie de développement. Et en 2050,ces pertes s’élèveront à seulement 0,02%.

La tribune

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