Mission Hera : la NASA et l'ESA vont-elles retourner ensemble sur saturne ?

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Mission Hera : la NASA et l'ESA vont-elles retourner ensemble sur saturne ?

Les chercheurs, des deux côtés de l’Atlantique, rêvent de réunir encore les deux plus grandes agences spatiales pour une nouvelle mission vers la planète aux anneaux.

C’est la plus belle collaboration entre les États-Unis et l’Europe de l’histoire de l’exploration du système solaire. La sonde américaine Cassini, en embarquant avec elle le petit module européen Huygens, a permis aux ingénieurs et scientifiques de réaliser cette première stupéfiante : poser un engin à plus de un milliard de kilomètres de chez nous, sur Titan, le grand satellite de Saturne. C’était en 2005, et l’image du paysage glacial et brumeux de Titan prise par Huygens et relayée par Cassini est désormais une icône de la conquête spatiale.

Sans la Nasa, l’ESA n’aurait jamais pu réaliser cette extraordinaire mission, et sans l’ESA, il aurait manqué quelque chose de fondamental à la mission Cassini, qui a engrangé une moisson scientifique unique durant ses treize ans de révolution autour de Saturne.

Pourquoi changer une équipe qui gagne ? Le système de Saturne, avec ses anneaux changeants, ses dizaines de satellites de glace, fascine les chercheurs. La planète géante, depuis la fin de la mission Cassini, inspire nombre de propositions de nouvelles sondes spatiales. En ligne de mire, principalement, les deux satellites Encelade et Titan, qui font rêver les exobiologistes par leur – très hypothétique – promesse de vie cachée sous la glace. Proposées à la Nasa par des instituts scientifiques américains, déjà, Dragonfly, un drone destiné à survoler et explorer la surface de Titan, Oceanus, un satellite en orbite autour de Titan, Enceladus Life Finder, un satellite destiné à traverser les geysers d’Encelade pour analyser leur composition, et Sprite (Saturn Probe Interior and Atmosphere Explorer), un module destiné à plonger dans l’atmosphère de Saturne.

Voilà pour le côté américain. Et du côté européen ? C’est le projet de mission Hera – Hera, fille de Saturne dans la mythologie – qui est proposé par l’équipe de Olivier Mousis, professeur d’Astrophysique à l’Université Aix-Marseille et chercheur au Laboratoire d’Astrophysique de Marseille. Hera, comme Sprite, est un module d’exploration de l’atmosphère de Saturne, pensé, comme Huygens avec Cassini, pour être embarqué en « sac à dos » à bord d’une mission américaine. Pour Olivier Mousis, responsable du projet Hera, « Hera, comme Sprite, d’ailleurs, avec qui nous collaborons, pourrait être embarqué à bord d’une mission vers Titan ou Encelade. Arrivé dans les parages de Saturne, notre module serait largué par la sonde américaine, et se dirigerait vers la planète géante pour y plonger… ».

Plonger dans l’atmosphère d’une planète géante ? Les ingénieurs savent faire : la sonde Galileo a plongé dans l’atmosphère de Jupiter, en 1995, et Cassini a achevé sa mission dans l’atmosphère de Saturne, en 2017. « Sauf que Cassini n’a jamais été prévue pour cela, nuance Olivier Mousis, elle s’est volatilisée très vite dans la haute atmosphère saturnienne… Hera aura pour objectif de plonger, protégée par un bouclier thermique, à 100 000 km/h dans la haute atmosphère, puis de déployer un parachute, avant de transmettre des informations scientifiques durant près de deux heures ! Nous espérons mesurer tous les paramètres atmosphériques de Saturne jusqu’à environ 400 kilomètres de profondeur, ce qui représente 20 bars de pression, cela, c’est du jamais vu… ».

Même si la mission atmosphérique de Galileo a été occultée par ses images spectaculaires de Jupiter et ses satellites, elle a été fondamentale pour la compréhension du système solaire. Pour Olivier Mousis « Galileo a montré que la composition de l’atmosphère de Jupiter n’était pas en proportions solaires. Ces mesures ont apporté des contraintes très fortes sur l’origine de Jupiter. On pense aujourd’hui que Jupiter s’est formée à partir de l’accrétion d’un cœur solide qui a entraîné l’effondrement d’une partie de la nébuleuse protosolaire environnante pour former son enveloppe. Ensuite, Galileo a mesuré l’abondance des gaz rares de Jupiter : leur détermination est fondamentale pour comprendre les conditions de formation du système solaire. Réaliser une mission comparable à Galileo sur Saturne, puis sur Uranus ou Neptune, est donc un enjeu scientifique fondamental pour la compréhension de l’origine et de l’évolution du système solaire ».

Alors, Hera va t-elle bientôt partir vers Saturne ? « Nous avons plusieurs opportunités, explique Olivier Mousis : si Sprite et Hera sont adoptées par la Nasa et l’ESA, nous pourrions les envoyer ensemble, dans deux régions différentes de Saturne. Nous pouvons aussi, comme Huygens avec Cassini, être passager d’une mission américaine vers Titan ou Encelade, ou bien encore être les passagers d’une mission américaine vers Uranus ou Neptune, qui larguerait Hera en passant auprès de Saturne. Dans tous les cas, nous visons une fenêtre de tir entre 2025 et 2030 ».

La mission Cassini-Huygens vers Saturne a marqué l’histoire de l’exploration du système solaire. Scientifiquement, bien sûr, mais pas seulement. Si le grand public adhère de plus en plus à ces grandes odyssées cosmiques, c’est surtout la magie des images qui le séduit. Le succès mondial des missions martiennes de la Nasa, de la mission Rosetta sur la comète Churyumov-Gerasimenko, de la mission Cassini-Huygens ? Les images de science-fiction qu’elles nous ont offert. Alors, pour nous faire rêver, l’équipe d’Olivier Mousis a pensé à équiper sa sonde d’une caméra, afin d’obtenir des images des tempêtes cyclopéennes levées par les vents de Saturne, avant le grand plongeon d’Hera.

Science&Vie | Serge Brunier 

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