Comme Vine récemment, plusieurs entreprises du numérique cherchent à lancer des services pour les enfants. Une stratégie qui répond à la fois à des impératifs commerciaux et juridiques.
Avec ses dessins enfantins et ses couleurs chatoyantes, la nouvelle application de Twitter n’est pas destinée aux adultes. Le réseau social a lancé vendredi 30 janvier Vine Kids. Comme son nom l’indique, il s’agit d’une déclinaison de son outil de partage de vidéos pour les plus jeunes. Le fonctionnement est différent de l’application principale puisque les enfants se baladent de vidéo en vidéo sans s’abonner à d’autres utilisateurs. Les vidéos ont été sélectionnées par l’équipe de Vine, selon le site spécialisé The Verge. Ce nouvel outil permet de les éloigner de certains contenus violents ou perturbants qui peuvent se trouver dans l’application principale.
A l’inverse du Vine traditionnel et des grands réseaux sociaux où les contenus sont modérés après publication, Vine Kids propose une curation. Ce fonctionnement rappelle celui de Dailymotion Kids, la version pour enfants du concurrent français de YouTube, où les contenus sont validés pour qu’aucune vidéo ne puisse choquer les plus jeunes. Ces versions pour enfants sont finalement à l’opposé de l’esprit des plateformes originelles et participatives, où la modération est fondée sur les signalements des utilisateurs. Sur ces sites, des contenus choquants peuvent être diffusés durant une courte période, généralement de quelques heures, et n’être supprimés après coup.
Séduire les futurs adultes
Twitter n’est pas le seul géant du Net à tailler une application sur-mesure pour les enfants. En décembre dernier, Google a annoncé le lancement futur d’une version adaptée aux enfants de YouTube, Gmail et d’autres services du moteur de recherche. Pour ces entreprises, le jeune public est d’abord un marché à conquérir. Très actifs sur Internet, les moins de 13 ans de YouTube et Vine seront enclins à rester sur ces plateformes une fois ados et adultes. Par ailleurs, ils représentent une cible publicitaire demandée et un marché lucratif pour des entreprises qui vivent bien souvent de la publicité. Sur YouTube par exemple, les opportunités ne manquent pas. Un podcasteur de 8 ans est devenu célèbre en faisant des critiques de jouets en vidéo sur le compte de son père, qui comptabilise aujourd’hui plus d’un million d’abonnés.
Des contraintes juridiques
L’autre motivation des entreprises du Net est juridique. Aux États-Unis, la collecte de données personnelles des moins de 13 ans est strictement encadrée par le Children’s Online Privacy Protection Act (COPPA). Il requiert notamment l’autorisation parentale pour toute collecte d’information, aussi basique qu’un nom et une adresse email. Les règles de la COPPA ont été revues en 2012, entre autres pour prendre en compte la géolocalisation, les photos et les vidéos dans les données protégées.
En créant des services spécifiquement pour les enfants, les géants du Net pourront respecter plus facilement les règles du COPPA. Face aux complications juridiques, de nombreuses entreprises ont d’abord préféré interdire leurs services aux moins de 13 ans. C’est le cas de Facebook, Twitter, YouTube, ou encore Twitch, plateforme de streaming de jeu vidéo. En France, il n’y a pas de législation spécifique en la matière pour les moins de 13 ans. Si Facebook est interdit aux enfants français, c’est en raison de l’application des règles américaines par le réseau social. Dans le cadre du projet de loi numérique, la CNIL a émis plusieurs propositions d’évolution de la loi informatique et libertés, dont une concerne notamment les données personnelles des mineurs.
Les enfants peuvent consulter des sites comme YouTube et Facebook mais pas se créer un compte – en théorie du moins. Dans la réalité, ils utilisent massivement les services qui leur sont interdits. En 2012, le Consumer Reports dénombrait officieusement 5,6 millions de jeunes de moins de 13 ans inscrits sur Facebook. Si le mensonge des enfants n’est pas punissable, les régulateurs américains surveillent les mesures de sécurité des géants du Net. Dernièrement, l’entreprise Yelp a été condamnée à 450.000 dollars d’amende (397.000 euros) une faille de l’application mobile qui autorisait les moins de 13 ans à se créer un compte sans mentir.
LEFIGARO