La comète Tchourioumov-Guérassimenko, survolée par la sonde européenne Rosetta depuis août dernier, est en train de déployer un bouclier magnétique qui la protégera du vent solaire lorsqu’elle s’approchera de l’astre, en août prochain. Tel est l’un des principaux phénomènes décrits dans une série de huit articles publiés le 23 janvier dans la revue Science, dont certains sont consultables librement en ligne.
L’heure est donc aux premiers résultats de l’extraordinaire épopée de Rosetta et de son atterrisseur Philae, qui nous avaient tenus en haleine en novembre dernier lors de l’atterrissage de ce dernier. Une moisson de données interprétées et analysées qui ont conduit à ces publications, dont la plus spectaculaire concerne l’actuelle formation d’une magnétosphère se déployant face au Soleil. Un phénomène comparable à celui qui protège la Terre de ces particules chargées (hydrogène, hélium, électrons, etc.) et qui peut sembler étrange car la comète ne possède pas la « machinerie » nécessaire pour générer un tel bouclier.
LE BOUCLIER MAGNÉTIQUE DE LA COMÈTE EST GÉNÉRÉ PAR LE VENT SOLAIRE
En effet, la magnétosphère terrestre provient du champ magnétique engendré par l’interaction entre le noyau liquide et le manteau visqueux de la Terre qui tournent à des vitesses différentes – on nomme cela l’« effet dynamo ». Mais Tchouri n’a ni noyau liquide ni manteau visqueux : c’est un bloc de glaces et de roches solidaires.
Comment les scientifiques expliquent-ils alors le phénomène ? Selon les chercheurs, il serait produit par les molécules dégazées par la comète en approche du Soleil, en particulier la vapeur d’eau : celles-ci sont ionisées par les particules du vent solaire, c’est-à-dire dépouillées d’une partie de leurs électrons. Dès lors, le mouvement des électrons libres, chargés négativement, et celui des noyaux atomiques, chargés positivement, produit un champ magnétique.
CETTE MAGNÉTOSPHÈRE ATTEINDRA SON MAXIMUM EN AOÛT PROCHAIN
Or ce champ, résultant de l’addition de tous les micro-champs engendrés par chacune de ces particules, est orienté globalement pour dévier les particules du vent solaire qui lui ont donné naissance, formant ainsi le bouclier – ce qui s’explique par la « directionnalité » d’incidence du vent solaire. Un phénomène qui avait été aperçu lors du passage de la comète de Halley en 1986, mais qui peut aujourd’hui être suivi à la trace et de près. Il devrait atteindre son apogée en août prochain lorsque Tchouri passera au plus près du Soleil (à une distance de 186 millions de km).
Román Ikonicoff – SCIENCE & VIE