A l’ère de l’obésité et de l’hypertension galopantes, une question est au centre des recherches en ingénierie alimentaire : comment réduire la salinité et le gras des aliments industriels frits de type chips, crackers ou curly sans torpiller leur goût ? Deux équipes de chercheurs du Département de sciences alimentaires et nutrition humaine de l’université de l’Illinois ont indépendamment l’un de l’autre trouvé des réponses simples et complémentaires.
Leurs résultats nous plongent dans les processus microphysiques se déroulant durant la cuisson et la mastication de ces aliments. Ainsi, la première étude concerne le sel, dont la surconsommation provoque des pathologies cardiovasculaires (hypertension) et osseuses, ainsi que des calculs rénaux, des cancers gastriques et autres.
Plus un aliment est poreux, plus il libère de sel
Wan-Yuan Kuo et Youngsoo Lee se sont penchés sur la manière dont le sel est libéré durant la mastication. Après avoir constaté que la majeure partie du sel contenue dans ces aliments n’est pas libérée donc ne participe pas au goût (mais il est en revanche assimilé par l’organisme), ils ont montré, modèles et expériences à l’appui, que la modification de la structure poreuse favorise cette libération : en augmentant la tailles de pores et leur nombre ou densité, on favorise l’émiettement de l’aliment dans la bouche et donc la libération du sel.
Il suffirait donc de favoriser cette porosité durant le processus de fabrication, en particulier en opérant sur les gels (colloïdes) utilisés dans la préparation, pour pouvoir réduire la quantité de sel sans que le consommateur y sente une différence.
L’huile absorbée : une affaire de pression capillaire
Du coté des graisses, l’étude menée par Harkirat S. Bansal, Pawan S. Takhar se focalise sur l’étape de cuisson des aliments frits. A grand renfort d’équations mathématiques (plus d’une centaine) décrivant le parcours de l’eau, de l’huile et des gaz durant la phase de chauffage (cuisson), ils ont montré que les pores des aliments jouent un rôle primordial dans l’absorption de la graisse.
En résumé : durant les premières 40 secondes de cuisson à l’huile à 200 °C, ces pores possèdent une forte pression interne, ce qui empêche une grande partie de l’huile de pénétrer. Dès ce délai dépassé, la pression interne chute et l’huile s’y précipite par capillarité. Il s’agirait donc de retirer les aliments du bain d’huile avant que ce processus se déclenche.
Finalement, la limitation des temps de cuisson ainsi que l’augmentation de la porosité des aliments frits devraient donc permettre aux industriels d’allier enfin le plaisir du goût à la bonne santé des artères.
Román Ikonicoff – Science & Vie