Développé en France par le Gipsa-lab de Grenoble, Brain Invaders est un jeu vidéo qui fonctionne à partir d’une interface neuronale directe. Les ondes électriques P300 émises par le cerveau sont interprétées comme des commandes pour faire feu. Une technique qui pourrait être appliquée pour aider des personnes à mobilité réduite ou incapables de parler.
Touché ! Face à un écran, un joueur élimine des aliens sans utiliser ni manette ni souris, uniquement par la pensée : le jeu vidéo Brain Invaders, développé par des chercheurs, laisse entrevoir de nouvelles compétences pour notre cerveau. « L’intelligence artificielle permet de décoder l’intention du sujet à partir de données encéphalographiques et les traduit en commandes », explique Marco Congelo, chercheur au laboratoire images parole signal automatique (Gipsa-lab), à Grenoble (centre-est), où a été conçu Brain Invaders.
Dans ce jeu vidéo inspiré de l’iconique Space Invaders, des aliens clignotent. Le joueur, en se concentrant sur l’alien qu’il veut éliminer, perçoit ce clignotement. Son cerveau, sous l’effet de ce flash émet automatiquement une onde cérébrale, appelée P300, connue pour se propager dans le cortex après toute stimulation, qu’elle soit visuelle, auditive ou tactile. En analysant les données encéphalographiques du joueur, les algorithmes définissent quel alien a clignoté juste avant que le cerveau ne produise cette onde et peuvent alors ordonner sa destruction.
Facebook et Elon Musk travaillent sur des ICM
Ce jeu s’inscrit dans la lignée de travaux menés depuis déjà des années sur les interfaces cerveau-ordinateur (ICM), des systèmes informatiques permettant d’interagir avec une machine par le biais de la pensée, sans utiliser de muscle ou de nerf. Les premiers essais chez l’Homme datent des années 1980, mais les ICM sont toujours en cours de développement, compte tenu notamment des difficultés du traitement du signal électrique émis par le cerveau. « Le signal [P300, NDLR] est très faible et noyé dans tous les autres bruits produits par le cerveau, les yeux, la mâchoire … », explique Marco Congelo.
Facebook avait annoncé en avril se donner deux ans pour créer un système capable de « lire » dans le cerveau les mots qu’une personne veut prononcer pour ensuite les transcrire simultanément sur un ordinateur à la vitesse de 100 mots par minute. De son côté, le milliardaire Elon Musk, fondateur de l’entreprise spatiale SpaceX et du constructeur de voitures électriques Tesla, a annoncé se lancer dans un projet d’interface baptisée Neuralink qui prévoie l’implantation dans le cerveau de minuscules électrodes capables de transmettre ou d’importer des pensées, le tout visant à amplifier le pouvoir du cerveau.
En février, des scientifiques du Wyss Center for Bio and Neuroengineering de Genève (Suisse) ont réussi à communiquer avec des patients totalement paralysés via une interface neuronale mesurant les niveaux d’oxygène dans le cerveau. Cette méthode, non invasive, leur a permis de savoir si les patients répondaient « oui » ou « non » à une série de questions. Pour décrypter les messages du cerveau, les créateurs de Brain Invaders ont également opté pour une technique non invasive en utilisant un casque d’électroencéphalographie (EEG).
Des casques EEG moins chers et moins contraignants
À l’aide d’électrodes placées sur le cuir chevelu, le casque détecte l’activité électrique du cerveau et l’émission d’ondes P300. Les casques médicaux sont les plus performants mais restent contraignants et surtout très chers. L’arrivée sur le marché de casques EEG à bas coût ouvre la porte à un plus large développement des interfaces cerveau-ordinateur. Outre un prix plus abordable (quelques centaines d’euros), ces casques low cost ont l’avantage de fonctionner sans fils et sur batterie et ne nécessitent pas l’utilisation de gel conducteur.
Autre particularité, selon les chercheurs, Brain Invaders s’affranchit d’une limitation majeure des ICM existantes : le besoin d’un étalonnage avant chaque utilisation. L’algorithme d’apprentissage automatique permet à la machine de s’adapter aux utilisateurs au fur et à mesure qu’ils jouent. S’il est encore difficile de dire quand arriveront de réelles applications pratiques, celles-ci sont déjà imaginables et devraient concerner deux grands secteurs, selon Marco Congelo : la santé, par exemple pour suppléer l’absence de mobilité, et le divertissement plus grand public, comme les jeux vidéo.
AFP