![\"Journalisme](\"http:\/\/www.massarate.ma\/wp-content\/uploads\/2015\/03\/algo-redacteur-f.jpg\")
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Les algor\u00e9dacteurs vont-ils tuer le m\u00e9tier de journaliste? Apparue d\u00e8s 2010, cette lancinante question devient, chaque ann\u00e9e, un peu plus centrale et strat\u00e9gique, au c\u0153ur de l’\u00e9cosyst\u00e8me du journalisme, qui va devoir affronter de profondes mutations structurelles durant les quinze prochaines ann\u00e9es.<\/p>\n
La mont\u00e9e en puissance de l’intelligence artificielle (IA), l’augmentation exponentielle des capacit\u00e9s de stockage et de traitement des donn\u00e9es vont in\u00e9luctablement induire de fortes turbulences sur le m\u00e9tier. Jusqu’\u00e0 pr\u00e9sent, les activit\u00e9s de collectes et d’analyses de donn\u00e9es puis de r\u00e9daction d’un article de synth\u00e8se r\u00e9sultaient exclusivement de calculs biologiques humains. Ce n’est plus le cas aujourd’hui: des algorithmes sont capables de produire de fa\u00e7on autonome un article, sous la forme de compte-rendu, d’une rencontre sportive en temps r\u00e9el, une synth\u00e8se d’informations destin\u00e9e \u00e0 l’analyse financi\u00e8re ou un article d’alerte au tremblement de terre moins d’une minute apr\u00e8s le s\u00e9isme. Les progr\u00e8s r\u00e9cents de l’intelligence artificielle, la production de donn\u00e9es massives et les capacit\u00e9s d’analyse s\u00e9mantique viennent bouleverser les \u00e9quilibres traditionnels et obligent la profession \u00e0 une introspection \u00e0 la fois positive et prospective. Les futures concurrences cr\u00e9\u00e9es par les algorithmes r\u00e9dacteurs doivent dor\u00e9navant \u00eatre anticip\u00e9es et accompagn\u00e9es. Le m\u00e9tier de journaliste va \u00e9voluer morphologiquement et fonctionnellement. Il va devoir s’adapter rapidement aux mutations technologiques, les int\u00e9grer en se repositionnant peu \u00e0 peu vers un “m\u00e9tajournalisme”. Ce m\u00e9tajournalisme se situera \u00e0 la racine du traitement algorithmique et assurera la supervision et l’orientation des syst\u00e8mes de r\u00e9daction automatis\u00e9s. Comme souvent lors d’\u00e9volutions technologiques disruptives impactant une activit\u00e9 humaine, l’innovation induit une “destruction cr\u00e9atrice” introduite par\u00a0Joseph Schumpeter, en 1942, dans Capitalisme, Socialisme et D\u00e9mocratie<\/em><\/a>. Le processus de destruction cr\u00e9atrice rel\u00e8ve, avant tout, du m\u00e9canisme syst\u00e9mique. Il modifie brutalement les \u00e9quilibres en place, fait dispara\u00eetre les emplois supplant\u00e9s par l’innovation, mais provoque \u00e9galement l’\u00e9mergence de fonctions in\u00e9dites et de nouveaux m\u00e9tiers en liaison avec cette innovation. Le journalisme n’\u00e9chappera pas au processus de destruction cr\u00e9atrice provoqu\u00e9 par les algor\u00e9dacteurs. Il faut donc d\u00e8s aujourd’hui anticiper et pr\u00e9parer cette \u00e9volution des fonctions et de l’infrastructure.<\/p>\n Le texte suivant a \u00e9t\u00e9 r\u00e9dig\u00e9 la 17 mars 2014 \u00e0 6h25 du matin par Quakebot<\/a> (robot de s\u00e9isme), seulement quelques secondes apr\u00e8s qu’un tremblement de terre de magnitude 4,7 n’impacte la r\u00e9gion de Beverly Hills Californie \u00e0 6h25:<\/p>\n “Un tremblement de terre peu profond de magnitude 4.7 a \u00e9t\u00e9 signal\u00e9 lundi matin \u00e0 cinq miles (8 km) de Westwood, Californie, selon le bureau g\u00e9ologique des Etats-Unis. La secousse s’est produite \u00e0 6h25 heure du Pacifique \u00e0 une profondeur de 5,0 miles, selon l’USGS, l’\u00e9picentre se trouvait \u00e0 six miles (9,6 km) de Beverly Hills, Californie, sept miles (11,2 km) de Universal City, Californie, sept miles de Santa Monica, Californie et 348 miles (560 km) de Scramento, Californie. Ces dix derniers jours, il n’y a pas eu de tremblement de terre de magnitude 3,0 ou sup\u00e9rieure \u00e0 proximit\u00e9.”<\/p>\n<\/blockquote>\n Dans les trois minutes suivant le s\u00e9isme, le Los Angeles Times publiait l’article automatis\u00e9 et \u00e9tait ainsi le premier \u00e0 publier un compte-rendu, quasiment en temps r\u00e9el, sans intervention humaine durant la phase de r\u00e9daction de l’information. L’exemple de Quakebot illustre une premi\u00e8re tendance centrale qui favorise le d\u00e9veloppement d’algor\u00e9dacteurs: celle de la r\u00e9duction des temps de r\u00e9action s\u00e9parant l’\u00e9v\u00e9nement et sa publication dans la presse. L’id\u00e9e sous-jacente d’investir des \u00e9chelles temporelles incompatibles avec les temps de r\u00e9action biologique humain est omnipr\u00e9sente aujourd’hui. On retrouve cette tendance au sein de toutes les innovations li\u00e9es aux technologies du Big Data. La collecte et l’analyse en temps r\u00e9el des donn\u00e9es massives souvent non ou peu structur\u00e9es permettent en effet de gagner un temps pr\u00e9cieux, notamment dans les domaines de la finance automatis\u00e9e et du HFT (High Fr\u00e9quency Trading). Chaque dixi\u00e8me de seconde gagn\u00e9 repr\u00e9sente un gain financier important lorsqu’il s’agit ensuite de passer des ordres de vente ou d’achat, pour les op\u00e9rateurs humains comme pour les “algotraders”.<\/p>\n D\u00e9sormais, le m\u00eame ph\u00e9nom\u00e8ne d’optimisation du temps de r\u00e9action pousse les r\u00e9dactions \u00e0 une course aux armements de publication algorithmique. Il faut alors s’interroger sur le ratio “temps\/qualit\u00e9 de restitution de l’\u00e9v\u00e9nement\u00a0“. C’est ce ratio qui conditionne finalement le pertinence de l’algor\u00e9dacteur. La seconde tendance r\u00e9v\u00e9l\u00e9e par Quakebot est l’adaptation de l’algorithme \u00e0 une classe d’\u00e9v\u00e9nements et \u00e0 leur description factuelle sans analyse profonde. Le compte-rendu de s\u00e9isme est construit sur la compilation d’un ensemble de mesures distribu\u00e9es automatiquement par les syst\u00e8mes de surveillance des tremblements de terre. L’algorithme compile ces mesures et utilise une grille de r\u00e9daction pr\u00e9alablement impl\u00e9ment\u00e9e qui permet de traiter ces donn\u00e9es et de les int\u00e9grer au texte comme le ferait un op\u00e9rateur humain.<\/p>\n Pour l’algor\u00e9dacteur, l’espace d’analyse des sous-\u00e9v\u00e9nements li\u00e9s \u00e0 l’\u00e9v\u00e9nement principal est tr\u00e8s restreint: il y est question de magnitude, de profondeur du s\u00e9isme, d’\u00e9picentre et d’historique des s\u00e9ismes dans cette zone. L’algorithme privil\u00e9gie le quantitatif et la mise en forme de la donn\u00e9e. Le qualitatif intervient en seconde intention et s’efforce de rendre “humaine” la tonalit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rale de l’article. L’imitation humaine dans le style de r\u00e9daction est un \u00e9l\u00e9ment central intervenant lors de la construction d’algor\u00e9dacteur. Le test de Turing<\/a> est d’ailleurs tr\u00e8s pr\u00e9sent dans le cahier des charges du d\u00e9veloppeur de ce type d’algorithmes. Le niveau d’IA du code influence directement le rendu de l’article et son aspect “naturel”. La r\u00e9daction automatis\u00e9e rencontre un succ\u00e8s affirm\u00e9 dans la r\u00e9daction de compte-rendus de matchs de baseball (les algorithmes de Narrative Science) ou de crimes et d\u00e9lits demeurant toujours dans le registre de la description factuelle de l’\u00e9v\u00e9nement.<\/p>\n Le r\u00f4le du journaliste va \u00e9voluer vers la supervision de syst\u00e8mes automatis\u00e9s de collectes de donn\u00e9es massives, produites en temps r\u00e9el. Le volume des donn\u00e9es est tel qu’il rend impossible toute prise en compte humaine exhaustive. L’algorithme intervient alors comme un outil de raffinage de l’information. Le m\u00e9tajournaliste supervisera le gisement de donn\u00e9es et orientera la cr\u00e9ation de l’article vers la tonalit\u00e9 qu’il souhaite lui donner. On notera que la dur\u00e9e de vie de la publication et sa qualit\u00e9 peuvent \u00eatre augment\u00e9es par un effet participatif s’appliquant au germe d’article initial produit par l’algor\u00e9dacteur. Le texte factuel est modifi\u00e9 en temps r\u00e9el apr\u00e8s sa mise en ligne, il est compl\u00e9t\u00e9 par de nouvelles informations issues des syst\u00e8mes de collecte et\/ou par les lecteurs eux-m\u00eames. La “U-information” d\u00e9signe l’information ubiquitaire qui, par d\u00e9finition, est pr\u00e9sente et active selon toutes les \u00e9chelles temporelles et selon toutes les \u00e9chelles d’espace (l’information du partout et du tout le temps). Elle \u00e9merge des infrastructures de donn\u00e9es massives du cyberespace. Les algor\u00e9dacteurs agiront alors comme des agents de diffusion de l’U-information.<\/p>\n Kristian Hammond, cofondateur de la soci\u00e9t\u00e9 Narrative Science qui con\u00e7oit des algor\u00e9dacteurs performants, pr\u00e9voit qu’en 2030, plus de 90 % des articles de presse seront produits par des algor\u00e9dacteurs. Il pr\u00e9voit \u00e9galement qu’un algorithme remportera le prix Pulitzer en 2030.<\/p>\n Huffington Post<\/span><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Les algor\u00e9dacteurs vont-ils tuer le m\u00e9tier de journaliste? Apparue d\u00e8s 2010, cette lancinante question devient, chaque ann\u00e9e, un peu plus centrale et strat\u00e9gique, au c\u0153ur de l’\u00e9cosyst\u00e8me du journalisme, qui va devoir affronter de profondes mutations structurelles durant les quinze prochaines ann\u00e9es. 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Vers un m\u00e9tajournalisme…<\/h2>\n