Volcans et climat : un impact mieux simulé

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Volcans et climat : un impact mieux simulé

Les éruptions volcaniques majeures provoquent des baisses temporaires de la température moyenne du globe. L’ampleur du phénomène est maintenant mieux quantifiée, grâce à l’étude des cernes des arbres et aux simulations numériques.

Aux enfants, on explique que le nombre de cernes d’un tronc d’arbre (les anneaux concentriques) indique son âge. Mais pour les climatologues, ces anneaux de croissance sont aussi une précieuse mémoire du climat. On peut y lire, par exemple, les variations de température ou de pluviométrie d’une année sur l’autre. L’étude des cernes – la dendrochronologie – permet ainsi d’estimer la baisse de température à l’échelle du globe qui accompagne des éruptions volcaniques massives, comme celles du Samalas en 1257 et du Tambora en 1815 (les plus importantes éruptions de ces dernières 1 500 années, toutes deux en Indonésie). Cependant, les données dendrochronologiques et les simulations numériques donnent des résultats quantitatifs différents. Une équipe internationale menée par Markus Stoffel, de l’université de Genève, et Myriam Khodri, de l’Institut Pierre Simon Laplace, a amélioré les deux techniques en affinant l’analyse des cernes et en intégrant dans les simulations des modèles plus précis sur les particules qui se forment suite aux éruptions de volcans tropicaux.

L’effet des éruptions massives sur le climat est non négligeable. Par exemple, celle du Tambora, en 1815, serait à l’origine de « l’année sans été » en Europe et en Amérique du Nord. Cela s’explique par l’émission d’importantes quantités de gaz soufré dans la haute atmosphère par le volcan. Ces gaz, une fois dans la stratosphère, sont transformés en petits aérosols qui réfléchissent le rayonnement solaire et en renvoient une partie dans l’espace. Ils provoquent ainsi un refroidissement de l’atmosphère. L’impact de l’éruption du mont Pinatubo, en juin 1991, a pu être quantifié par des techniques modernes : le volcan a rejeté 20 millions de tonnes de dioxyde de soufre dans l’atmosphère et provoqué un refroidissement global de 0,4 °C. Pour estimer la baisse de température et la durée du refroidissement liés à des éruptions plus anciennes, la simulation numérique et la dendrochronologie livrent hélas des estimations différentes.

L’équipe de Markus Stoffel s’est concentrée sur la dendrochronologie. Quel en est le principe ? Le tronc d’un arbre pousse entre le printemps et la fin de l’été, lorsque les conditions sont les plus favorables. Au printemps, les vaisseaux qui conduisent la sève sont larges, ce qui donne un bois clair. À la fin de l’été, les cellules sont plus petites et le bois est plus sombre. Il en résulte une alternance annuelle de cernes clairs et sombres qui marquent chaque année de croissance. L’épaisseur des cernes dépend de la pluviométrie et de la température. Il est donc possible de déduire des cernes du bois un registre des températures moyennes des années écoulées depuis la naissance de l’arbre. Jusqu’à présent, les spécialistes s’appuyaient seulement sur la largeur annuelle des cernes, mais l’équipe de Markus Stoffel a montré que la partie sombre (le bois tardif) est plus sensible aux variations exceptionnelles des conditions climatiques. À partir d’échantillons prélevés dans de nombreuses régions de l’hémisphère nord, les chercheurs ont alors reconstruit un registre corrigé de la température estivale de ces 1 500 dernières années. Les éruptions volcaniques y sont clairement décelables, corrélées à des baisses de température.

L’équipe de Myriam Khodri a parallèlement amélioré les simulations numériques. Elle a intégré un modèle physique détaillé qui décrit le cycle d’évolution des aérosols depuis leur formation jusqu’à leur sédimentation et leur élimination de l’atmosphère. Sans la prise en compte de l’évolution précise des aérosols, les simulations numériques surestimaient le refroidissement lié aux éruptions volcaniques massives.

Les deux équipes ont confronté leurs résultats et ont montré que l’analyse par les cernes sombres et les simulations numériques sont en bon accord : elles indiquent que les éruptions de Samalas et de Tambora ont provoqué une baisse moyenne de la température comprise entre 0,8 °C et 1,3 °C pendant les deux premières années qui ont suivi l’éruption. Les effets de Samalas sont visibles pendant 4 à 5 ans, et 2 à 3 ans pour Tambora.

L’amélioration des techniques d’analyse du climat passé permettra d’affiner encore plus l’histoire climatique de la Terre durant ces derniers siècles. En outre, ces modèles numériques peuvent maintenant être utilisés pour analyser les conséquences sur le climat d’une éruption massive à venir.

Sean Bailly – pourlascience.fr

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