Dr.Imane Douabi: Biologiste médicale / chercheuse en santé digitale.
L’émergence du nouveau coronavirus SARS-Cov-2 a mis l’humanité face à une réalité qui était mal perçue. En effet, malgré les avancées scientifiques et technologiques du 21e siècle, le niveau de la connaissance de l’homme n’est toujours pas suffisant pour être à l’abri en terme de la santé individuelle et collective.
Effectivement, ce microorganisme apparu en Chine en novembre 2019 a provoqué une pandémie impressionnante par sa rapidité de diffusion et sa létalité en un laps de temps réduit. Un confinement était alors impératif à l’échelle du globe. Le but est de pouvoir contenir et limiter la propagation du virus, le temps de découvrir un médicament et/ou un vaccin efficace. C’est ainsi que l’économie mondiale s’est effondrée dans une crise profonde sans pareil.
A ces moments difficiles, l’homme devrait agir rapidement et efficacement en mobilisant toutes ces connaissances scientifiques, ses compétences de recherche notamment médicales, ses avancées technologiques en médecine, en communication, en gestion de crise, en industrie, en commerce et tous les domaines vitaux. L’internet a joué alors favorablement un rôle remarquable au cours de ce défi global. En effet, pendant le confinement, les gens ont eu recours à la connexion internet pour maintenir les liens sociaux, échanger les informations, partager les expériences. Les gouvernements ont renforcé l’utilisation de l’Internet pour la reprise scolaire et universitaire, le relancement des activités commerciales, l’adoption du télétravail ou du travail à distance et la surveillance des mesures de prévention et de la sécurité. Les organisations locales et internationales ont partagé les informations et les données via les rencontres digitales, et les conférences et rencontres intellectuelles, culturelles et scientifiques se sont organisées grâce à la technologie de communication digitale.
Cet article vise d’abord à définir ce que c’est le concept d’Internet des objets, à revoir l’histoire de l’homme avec les anciennes épidémies pour en tirer des leçons, puis à émettre de la lumière sur le rôle des nouvelles technologies digitales, notamment l’Internet des Objets, dans la lutte contre les épidémies dues aux microbes émergents, cas de la pandémie COVID-19. Pour ensuite, aborder les perspectives d’avenir de cette technologie innovante dans la gestion des perturbations que peut engendrer une pandémie au futur.
INTERNET DES OBJETS
1- Internet des Objets : définition
L’internet des objets est une nouvelle technologie qui assure une connexion continue d’objets physiques intelligents avec Internet. Ainsi, les informations peuvent être transmises ou reçue via Internet sans aucune intervention humaine (1). Le terme « Internet des objets » (IdO) a été inventé pour la première fois par Kevin Ahston, le cofondateur de l’Auto-ID Centre du Massachusetts Institute of Technology en 1999 à l’occasion d’une présentation pour l’entreprise Procter & Gamble (2).
L’IdO pourrait être défini comme un réseau dynamique et auto-configurable d’objets physiques et virtuels alimentés par des protocoles de communication, des supports et des normes interopérables (3). Ces objets ayant des identités et des attributs, sont capables de se connecter à des réseaux d’information tels qu’Internet et peuvent effectuer la détection, le traitement des données, la mise en réseau et la communication (3).
Le CERP-IdO « Cluster des projets européens de recherche sur l’Internet des objets » définit l’Internet des objets comme : « une infrastructure dynamique d’un réseau global a des capacités d’auto-configuration basée sur des standards et des protocoles de communication interopérables. Dans ce réseau, les objets physiques et virtuels ont des identités, des attributs physiques, des personnalités virtuelles et des interfaces intelligentes, et ils sont intégrés au réseau d’une façon transparente » (2).
Cette définition signale l’aspect temporel et spatial de l’IdO qui traduit la possibilité de se connecter à tout moment et à n’importe quel endroit via des objets connectés. La connexion des objets à internet va permettre d’accéder à distance à des données d’un capteur ou à la commande d’un actionneur(2). Vous pouvez également entendre des termes similaires tels que l’Internet des objets industriel et l’Internet des objets de la santé, qui font référence à leur secteur ou secteur vertical respectif au sein de l’Internet des objets (4).
La généralisation des ressources informatiques et l’appropriation des services Web par les utilisateurs a engendré une évolution rapide de l’IdO. Soulignant, que c’est grâce à différentes technologies que le concept IdO a pu évoluer, à savoir les capteurs, l’apprentissage automatique, l’analyse en temps réel et les systèmes embarqués[1] (1).
2- Internet des Objets médicaux : définition, architecture et intérêt
L’IdO est une technologie qui est entrain de connaître une forte évolution particulièrement après l’apparition de la pandémie COVID-19. Des études ont montré que cette technologie aide à réduire la mortalité car elle permet de notifier rapidement et précocement les personnes subissant un problème de santé, cela grâce à l’utilisation de capteurs (1).
Allant des appareils intelligents aux villes intelligentes, l’IdO a également ouvert un nouveau défi dans le domaine de la santé, appelé Internet des objets médicaux (IdOM). L’IdOM offre des avantages significatifs pour le bien-être des personnes en augmentant la qualité et l’espérence de vie et en réduisant les dépenses médicales (3).
L’Internet des objets est une classification d’un ordinateur doté de capteurs, de microcontrôleurs et d’émetteurs-récepteurs. Ces composants communiquent entre eux pour fournir des informations susceptibles d’aider l’utilisateur. Cela dit, l’IdO est l’un des sujets les plus en vogue de l’informatique (5).
Comme le montre la figure 1, les éléments critiques dans le concept d’IdOM sont des capteurs sans fil, qui peuvent être utilisés pour surveiller à distance l’état de la santé des patients et des technologies de communication afin d’envoyer les informations aux soignants (3).
Dans le domaine de la santé, on parle également du concept de l’Hôpital intelligent, des objets « connectés » omniprésents, des robots, des mobiliers, et des accessoires « intelligents », ainsi que des appareils contrôlés par internet qu’il soit fixe ou bien sans fil. Plusieurs capteurs, dispositifs médicaux, intelligence artificielle, dispositifs de diagnostic et d’imagerie avancée sont au cœur de la mise en œuvre de l’internet des objets au domaine de la santé (1).
L’intelligence artificielle[2] est une technologie habilitante à l’IdOM, en effet, combinés ensemble ils permettent d’aider les professionnels de la santé dans presque tous les domaines de leurs compétences voir même la prise de décision clinique. Grâce aux techniques d’apprentissage automatique (Machine Learning[3]) et d’apprentissage en profondeur (Deep learning[4]), les ordinateurs peuvent apprendre et sélectionner des décisions justes en utilisant les données générées par les professionnels de la santé et les commentaires des patients (3).
Aujourd’hui, divers appareils surveillent tous les types de comportement des patients, des glucomètres aux moniteurs fœtaux en passant par les électrocardiogrammes et la tension artérielle. Bon nombre de ces mesures nécessitent une visite de suivi avec un professionnel de la santé. Des dispositifs de surveillance plus intelligents communiquant avec d’autres appareils, services et systèmes pourraient considérablement affiner ce processus, réduisant éventuellement le besoin d’une intervention clinique directe et peut-être en le remplaçant par un appel téléphonique d’une infirmière. Par exemple, les innovations actuelles dans les appareils intelligents incluent des distributeurs de médicaments qui peuvent détecter si le médicament a été bien administré par le patient, tout en transmettant cette information via Bluetooth. S’il est déterminé que l’utilisateur n’a pas pris ses médicaments, il est contacté par téléphone pour discuter et encourager l’adhésion à son régime médicamenteux. L’Internet des objets offre une multitude d’opportunités non seulement pour améliorer les soins aux patients, mais aussi pour réduire les coûts des soins de santé (4).
Combiné avec les autres technologies habilitantes telles que la télémédecine[5] et la blockchain[6], l’IdOM a ouvert de nouvelles opportunités dans le domaine médical pour sauver et améliorer la qualité de vie des gens. Il a créé de nouveaux domaines d’application et changé la façon de faire les choses dans les domaines existants telle que la gestion des dossiers électroniques des patients.
Par ailleurs, les assistants virtuels peuvent tenir les médecins à jour en leur fournissant de nouvelles informations provenant de différents articles, revues et pratiques cliniques pour des soins appropriés aux patients (3).
En somme, L’Internet des objets des soins de santé devient de plus en plus indispensable pour aider les humains à surveiller, gérer, détecter et prendre des mesures après avoir obtenu des informations du système informatique approprié, et réduire efficacement les dépenses de santé. Il fait évoluer les systèmes de santé des systèmes de santé conventionnels vers des systèmes de santé plus personnalisés, actuellement plusieurs pays développés utilisent l’IdOM pour la surveillance continue des signes vitaux des patients, ce qui permet de créer des alertes en cas d’évolution des conditions de santé et suggérer ainsi de prendre les précautions nécessaires en cas de besoin.
L’IdOM dans les soins de santé est un aspect prometteur de l’amélioration des technologies utilisées à présent et de la réduction des coûts dans tous les aspects de la santé (15). En raison de ses vastes capacités, notamment le suivi, l’identification, l’authentification et la collecte de données, la croissance exponentielle de l’IdO dans le secteur de la santé devrait passer de 72 milliards USD en 2020 à 188 milliards USD en 2025 (6).
[1] Les systèmes embarqués : les capteurs et les actionneurs font l’interface entre le monde physique et le monde numérique avec lesquels ils interagissent. Ils sont environnés par des systèmes électroniques embarqués qui leur confèrent des fonctionnalités. On parle de « systèmes embarqués » quand il s’agit de l’association de matériel électronique, le hardware, piloté par un programme informatique, le software, le tout constituant un ensemble autonome
[2] En informatique, le terme intelligence artificielle (IA) fait référence à toute intelligence de type humain présentée par un ordinateur, un robot ou une autre machine. Dans l’usage courant, l’intelligence artificielle fait référence à la capacité d’un ordinateur ou d’une machine à imiter les capacités de l’esprit humain – apprendre des exemples et de l’expérience, reconnaître les objets, comprendre et répondre au langage, prendre des décisions, résoudre des problèmes – et les combiner et d’autres capacités à exécuter des fonctions qu’un être humain pourrait exécuter, telles que saluer un client de l’hôtel ou conduire une voiture. https://www.ibm.com/cloud/learn/what-is-artificial-intelligence
[3] L’apprentissage automatique (Machine Learning) est un sous-ensemble d’application d’IA qui apprend par lui-même. Il se reprogramme en fait, à mesure qu’il digère plus de données, pour effectuer la tâche spécifique pour laquelle il est conçu avec une précision de plus en plus grande.
[4] L’apprentissage en profondeur (Deep Learning) est un sous-ensemble d’application d’apprentissage automatique qui apprend à exécuter une tâche spécifique avec une précision de plus en plus grande, sans intervention humaine. https://www.ibm.com/cloud/learn/what-is-artificial-intelligence#toc-artificial-FJCUhzmG
[5] La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication pour mettre en relation des patients ou des professionnels de la santé. Futura Santé
[6] La « blockchain » est un domaine technologique utilisé pour construire des systèmes décentralisés qui augmentent la vérifiabilité des données partagées entre un groupe de participants qui n’ont pas nécessairement une relation préexistante (M. Sistia & al, (2020) Blockchain, Digital Identity, and Health Records : Considerations for vulnerable populations in California, CITRIS Banatao Institute).