Au Malawi, le lac Chilwa n'a plus d'eau

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Au Malawi, le lac Chilwa n'a plus d'eau

Il y a quatre mois encore, le petit port de Kachulu sur les rives du lac Chilwa, dans le sud du Malawi, grouillait de pêcheurs. Puis il s’est vidé en partie, comme le lac, victime de sécheresses récurrentes. La dernière fois qu’il a été autant déshydraté, c’était en 1991.

En cette fin novembre 2018, des centaines de bateaux de pêcheurs sont embourbés dans la vase asséchée et ridée, tandis que des vautours survolent le lac Chilwa, à 30 km à l’est de Zomba, l’ancienne capitale du Malawi, dans une zone qui héberge 200 espèces d’oiseaux. “Certains pêcheurs sont partis pour le lac Malawi“, à une centaine de kilomètres plus au nord, “tandis que d’autres ont pris des emplois temporaires dans la culture du riz“, explique un villageois, Julius Nkhata. Salé et peu profond, Chilwa, le deuxième plus grand lac du pays après le lac Malawi, est très sensible aux variations saisonnières. “Au cours des 100 dernières années, ce lac s’est complètement asséché à plusieurs reprises en suivant des cycles tous les 20-25 ans, d’après les écrits dont nous disposons“, explique le professeur spécialiste d’environnement Sosten Chiotha, qui étudie le lac depuis 27 ans. La dernière fois qu’il a été autant déshydraté, c’était en 1991. Depuis “les années 90, la fréquence des sécheresses a augmenté” en raison du changement climatique, relève M. Chiotha, selon qui le lac a perdu 60% de l’eau qu’il contenait auparavant.

Les pêcheurs sans emplois

La vie de Maru Yakobe a toujours dépendu du lac. Cette pêcheuse gagnait jusqu’à récemment quelque 15.000 kwacha (18 euros) par jour, assez pour nourrir sa famille et envoyer ses cinq enfants à l’école. Sa survie dépend aujourd’hui d’un bout de rizière. “Nous avions l’habitude de nous en sortir grâce au lac, mais maintenant il n’y a plus d’affaires à faire. Personne n’a été épargné dans le village“, explique-t-elle. La coopérative de poissons séchés par exemple a fermé. Au moins temporairement. “Il n’y a pas de poissons. Les femmes de la coopérative n’ont plus de revenus“, explique Nixon Masi, responsable gouvernemental de la pêche à Chilwa.

Sur les 38 pêcheuses membres de la coopérative Kachulu Solar Driers Women Club, 21 sont parties tenter leur chance ailleurs. “Certaines de ces femmes sont retombées dans la pauvreté, alors qu’on avait fait tant de progrès” ces dernières années, se désespère Nixon Masi. La coopérative avait changé la vie de Rose Kamata: “L’an dernier, j’ai reçu un dividende de 400.000 kwachas (477 euros). Mais aujourd’hui je suis de retour à la case départ“, explique cette veuve qui a huit enfants à charge.

Cercle infernal

Les spécialistes estiment que la déforestation dans la région a contribué à aggraver la situation. La zone du lac est soumise à une forte pression démographique. Quelque 1,5 million de personnes habitent dans cette zone qui est l’une des plus densément peuplées en Afrique australe, selon Sosten Chiotha. Et pour vivre, des habitants coupent des arbres afin de cultiver ou de vendre du charbon de bois. Résultat, les bassins versants du lac, ces territoires drainés par des eaux qui contribuent à un approvisionnement régulier du lac, ont été largement endommagés.

Quand il y a des pluies, (les eaux) vont maintenant directement dans le lac. Et dans la mesure où il est peu profond, le taux d’évaporation est très élevé“, constate Sosten Chiotha. “Nous avons seulement de vraies pluies en janvier et après nous n’avons plus beaucoup d’eau qui approvisionne le lac (…). Nous devons réaménager les bassins versants”, estime James Nagoli, chercheur pour l’ONG Worldfish. Mais plus le lac s’assèche, plus la déforestation s’accélère car plus les poissons se font rares, plus des villageois se lancent dans la vente de charbon de bois. Un cercle infernal.

Stephen Chimenya habite l’île de Chisi sur le lac Chilwa, qui abrite 3.500 personnes. Il travaillait avant comme opérateur de bateaux-taxis et gagnait “au moins 5.000 kwachas (6 euros) par jour“. Faute de clients, il s’est reconverti dans la vente de charbon de bois. “Que peut-on faire ? demande-t-il. Nous devons nourrir nos familles.” “Même ceux qui ont essayé de cultiver n’ont pas réussi à produire à cause des conditions climatiques catastrophiques. Les gens sur l’île sont désespérés, la vie est très dure“, explique le chef local Evans Chimenya. “Si les pluies n’arrivent pas bientôt”, prévient-il, “des gens de l’île de Chisi vont mourir de faim.

Sciences et Avenir

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